|
Les Piyyoutim Le mot « Piyyout » est dérivé du grec « poiésis » (création), lui-même à l’origine de nombreux mots dans les langues occidentales et notamment du terme français « poésie ». Un Piyyout est généralement structuré en strophes (Battim, sing : Bayit). Les Piyyoutim présentent généralement deux caractéristiques :
Ainsi, le Piyyout Adon ‘Olam, composé par Rabbi Shelomo Ibn Gebirol au XIème siècle, est structuré de la façon suivante : אֲדוֹן עוֹלָם אֲשֶׁר מָלַךְ בְּטֶרֶם כָּל יְצִיר נִבְרָא
Il faut remarquer que le hataf sous le א de אדון ou de אשר ont un statut de sheva mobile. Le Mishqal de ce Piyyout est donc: Yated, 2 Tenou’ot, Yated, 2 Tenou’ot. Le Mishqal est le même dans le Delet et dans le Soger. Cette structure est observée dans tout le Piyyout. Quelques 'Harouzim dérogent à la règle. Les contraintes du Mishqal conduisent parfois le Paytan à prendre certaines libertés avec les règles usuelles du Diqdouq, et notamment à inverser Sheva Na’ et Sheva Na’h. Nous donnerons en exemple le célèbre Piyyut Deror Yiqra, composé par Rabbi Dunash Ben Labrat au Xème siècle. דְּרוֹר יִקְרָא לְבֵן עִם בַּת וְיִנְצָרְכֶם כְּמוֹ בָבַת
Le Mishqal de ce Piyyut est Yated, 2 Tenou’ot, Yated, 2 Tenou’ot. Dans troisième strophe, il existe deux versions pour le deuxième vers :
דְּרוֹךְ פּוּרָה בְּתוֹךְ
בָּצְרָה וְגַת בֶּאְדוֹם אֲשֶׁר גָּבְרָה Ces deux versions sont conformes au mishqal, mais la première semble être la version d’origine, car elle se rapporte à un verset de Yeshaya’ou (LXIII-1,2). Dans cette première version, la formulation correcte aurait été «בֶּאֱדוֹם ». Le ‘Hataf Segol sous le א a dû être changé en Sheva immobile afin de respecter le Mishqal. De manière similaire, le sheva placé sous le ב de גָּבְרָה aurait dû être mobile, puisqu’il suit un qamatz, voyelle longue. Il est cependant lu comme un sheva immobile, afin de respecter le Mishqal. Lorsque coexistent plusieurs versions d’un Piyyout, l’analyse du Mishqal permet parfois d’identifier la version d’origine. Ainsi, le piyyout כִּי אֶשְׁמְרָה שַׁבָּת, composé par Rabbi Avraham Ibn ‘Ezra au XIIème siècle, a pour Mishqal : 2 Tenou’ot, Yated, 4 Tenou’ot, Yated, Tenou’a.
2 remarques :
Dans la strophe qui commence par «הַיּוֹם מְכֻבָּד הוּא יוֹם תַּעֲנוּגִים », la version d’origine, conforme au Mishqal, est «מִתְאַבְּלִים בּוֹ הֵם אחוֹר נְסוֹגִים». La version la plus répandue aujourd’hui «הַשְּׂמֵחִים בּוֹ הֵם שִׂמְחָה מַשִּׂיגִים» n’est pas conforme au Mishqal. La modification est intervenue afin de ne pas mentionner de langage de deuil le Shabbat. Au fil du temps, et sous l’influence des cultures
environnantes, le respect du Diqdouq s’est dégradé dans de nombreuses
communautés. Ce relâchement s’est traduit dans les Piyyoutim par la suppression
de la distinction entre voyelle et Sheva Na’. Le Mishqal se réduit alors au
nombre de voyelles, incluant le Sheva Na’. Ae Piyyout Yodoukha Ra’yonay, composé
par Rabbi Israel Najara (1555-1628) a pour Mishqal 6 Tenou’ot, incluant le Sheva
Na’. |