Histoire II
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Les différents signes

J'ai représenté sur la première moitié de la première phrase de la Bible les différents types de signes que les massorètes ont introduit dans le texte biblique :

En rouge, les voyelles (et d'autres signes que l'on assimilera pour l'instant à des voyelles).

En vert, des signes destinés à distinguer différentes prononciations d'un même signe biblique.

En bleu, des signes destiner à regrouper ou séparer les différents mots, comme le ferait la ponctuation en français. Ces signes servirent par la suite de signes musicaux pour chanter le texte.

Les grands massorètes et grammairiens juifs

Le système de signe illustré ci-dessus est appelé système de Tibériade, car mis au point par des sages de la région de Tibériade. Parmi eux, une dynastie s'est illustrée, les ben Asher. Les deux membres les plus connus de cette famille sont Moshe Ben Asher, et surtout Aharon ben Moshe ben Asher, son fils, qui a vécu au 10ème siècle de l'ère actuelle.

Ce dernier a écrit un manuscrit particulièrement soigné de la Bible selon le système de Tibériade qui a servi de référence pendant des siècles. Il s'agit du codex d'Alep, en hébreu כתר ארם־צובה. Ce manuscrit à l'histoire mouvementée a été utilisé par Maïmonide lui-même qui le considérait comme particulièrement correct.

Au 20ème siècle, une partie de ce manuscrit a été perdue lors d'émeutes à Alep. Puis il a été déposé dans un musée à Jérusalem.

Il est aujourd'hui consultable en ligne.

Aharon ben Moshe ben Asher a également écrit des ouvrages où il explique les principes du système de Tibériade.

Il était en concurrence avec un autre grand grammairien Ben Nephtali avec lequel il avait parfois des divergences d'opinions.

Dans les décennies qui ont suivi, de nombreux grammairiens ont expliqué les principes de la massorah, ainsi que la grammaire (au sens classique du terme) de l'Hébreu. Ils ont également fait l'exégèse du texte biblique sur la base des règles grammaticales.

On peut citer :

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Yonah Ibn Genah né à la fin du 10ème siècle en Espagne

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Yehudah Hayuj qui a vécu à la fin du 10ème siècle, principalement en Espagne

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Abraham Ibn Ezra, né en espagne à la fin du 11ème siècle

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Rabbi David Kimhi (RaDaK) né au 12ème siècle à Narbonne

Le Radak, membre le plus illustre d'une famille de grammairien (fils de Joseph et frère de Moses Kimhi) a écrit le Sefer Mikhlol qui a été la base de toutes les études de grammaire hébraïque par la suite, tant chez les juifs que chez les chrétiens (et que je recherche sans succès).

Les grammairiens des nations

Jusqu'au 15ème siècle les grammairiens de l'hébreu étaient juifs, souvent en pays musulman. Ils écrivaient en hébreu ou en arabe.

Les chrétiens n'avaient pas de raison particulière de s'intéresser au texte hébraïque (en particulier vocalisé), car ils disposaient de traductions en Grec (septantes) et en Latin (vulgate) très anciennes établies par des hébraïsants de qualité (notamment Saint-Jérôme). Et la tradition catholique n'encourageait pas la consultation directe des textes.

L'apparition du protestantisme a bouleversé cet état de fait. Le retour au texte prôné par les protestants a provoqué un intérêt pour l'étude du texte le plus précis possible. Intérêt qui passe pour l'ancien testament par le texte hébraïque (ou araméen).

La question des voyelles n'allait pas de soi. Le texte vocalisé datait de bien après les Bibles en latin et grec des catholiques. Fallait-il considérer que le texte vocalisé était le reflet d'une tradition ancienne et inspirée ou une création des rabbins ? Question éminemment délicate, mais tout le monde s'accordait pour penser que ce texte reflétait au moins une grande part de vérité et d'ancienneté. Mon avis personnel étant également qu'à partir du moment où ce texte existe, il est plus facile d'accès que le texte consonantique sans ponctuation.

Les protestants ont également influencé les catholiques. Et des érudits des deux tendances se sont mis à étudier l'hébreu biblique.

Le flambeau est passé par le truchement de 2 personnes qui se sont basés sur les travaux de David Kimhi.

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Johannes Reuchlin, érudit chrétien (protestant, mais je n'en suis pas certain) qui a publié un ouvrage de grammaire hébraïque en latin.

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d'Elie Levita, grammairien juif né en Bavière à la fin du 15ème siècle. Il a publié des ouvrages de grammaire traduits en langues européennes, et a contribué aux premières impressions de textes hébraïques.

A partir des travaux de ces deux personnes naît toute une tradition de l'étude de la grammaire biblique chez les protestants (principalement). Tradition qui se détache complètement de son substrat juif. Et qui finit par évoluer au 19ème siècle vers l'étude scientifique de l'hébreu. Etude complétée par l'apport de la linguistique moderne, et des études étymologiques et comparatives avec des langues apparentées à l'hébreu.

Les travaux qui sont issus de cette tendance utilisent parfois un vocabulaire et des concepts éloignés du vocabulaire des auteurs juifs du moyen age. Ces derniers avaient tendance à trop lorgner sur la grammaire arabe. Alors que les érudits du 19ème siècle s'inspiraient parfois trop de la grammaire grecque et latine classique.

Parallèlement à ces tendances, on relève un relatif désintérêt des juifs pour l'étude du dikdouk au cours des derniers siècles.

Aujourd'hui, les ouvrages les plus complets d'hébreu Biblique se trouvent dans les librairies chrétiennes (expérience personnelle de l'auteur) et sont publiés par des membre du clergé ou des pasteurs.

L'immense majorité des juifs a pour référence l'hébreu moderne qui ne respecte que très approximativement le dikdouk. Dans les milieux religieux sépharades, il est d'usage d'apprendre les règles minimales pour ne pas faire d'erreur de lecture lors de la lecture de la Thora le samedi matin. Les règles de dikdouk sont parfois évoquées au détour d'un commentaire biblique. Mais l'enseignement systématique du dikdouk est réduit à la portion congrue.

Sic transit gloria mundi....