Dagesh III
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Les leçons de niveau III sont conçues pour les lecteurs voulant approfondir les connaissances présentées sur ce site.

Il est conseillé de lire et de maîtriser d'abord les niveaux I et II de tous les sujets avant d'aborder le niveau III d'un sujet.

Un dagesh peut-il être fort et léger à la fois? (2ème version)

Réponse complète :

Du point de vue grammatical, les endroits où interviennent un dagesh fort et un dagesh léger ne sont pas les mêmes. Donc un dagesh n'est jamais fort et léger.

Toutefois, du point de vue phonétique, on peut se demander comment se prononce une lettre בגדכפת dotée d'un dagesh fort. Un בּ avec un dagesh fort comme dans דִּבֵּר se prononce-t-il b ou v ?

Si on décompose le בּ en 2 consonnes séparées par un sheva mobile, on tombe sur un hypothétique דִּבְבֵּר où le premier ב n'a pas de dagesh et le deuxième a un dagesh léger. En fait cela implique que la prononciation de l'unique ב se fait avec arrêt du flux d'air, et que la double consonne בּ se prononce bb et non vv.

Le rafé

Quand on écrit un texte, on peut choisir de mettre tous les points (voyelles, dagesh, te'amim). C'est le cas dans les versions imprimées de la Bible, dans les textes liturgiques, ou en hébreu moderne dans les textes pour enfants ou en poésie.

Plus fréquemment, on écrit uniquement avec les consonnes. Le contexte et l'expérience du lecteur permettent la plupart du temps de compléter correctement le texte. Toutefois, il existe des cas irréductibles d'ambiguïté. Dans ce cas, il est d'usage d'ajouter une mère de lecture, ou de mettre une voyelle ou un dagesh pour bien préciser le mot auquel l'auteur pense.

Ce moyen est bien pratique, mais il ne permet pas de tout exprimer. Notamment, si on a le choix entre la présence ou l'absence de dagesh, il peut être nécessaire d'exprimer l'absence de dagesh.

Il existe un signe qui indique que l'absence de dagesh n'est pas du à l'absence des signes massorétiques, mais à une absence délibéré. C'est le rafé. Il prend la forme d'un trait horizontal sur une lettre.

Dans l'exemple ci-dessus, le rafé indique que bien qu'en début de mot, le ב ne porte pas de dagesh (pour une raison grammatical que l'on verra ci-dessous.)

Certains manuscrits anciens portaient systématiquement des rafé pour marquer l'absence de dagesh.

Indépendamment de cette notation, une consonne ne portant pas de dagesh est dite refouia (רפויה) ou rafa, c'est-à-dire relachée.

Les liens entre le dagesh et le sheva

Il y 2 règles de base pour une syllabe non accentuée :

bulletUne fermée est toujours brève (règle d'or)
bulletUne ouverte est (presque) toujours longue (règle d'argent).

Vues sous un autre angle

bulletUne brève est (presque) toujours fermée (règle d'argent).
bulletUne longue est toujours ouverte  (règle d'or)

La conséquence qu'une longue non accentuée n'est jamais suivie d'un dagesh fort ou d'un sheva immobile. (cf Sheva III)

Mais également qu'une brève non accentuée est généralement suivie d'un sheva immobile ou d'un dagesh fort.

D'où la règle : une consonne ne portant pas de sheva immobile et suivant une brève non accentuée porte généralement un dagesh fort.

Toutefois, on ne peut rien déduire automatiquement de la présence d'une brève non accentuée. Exemples :

bulletמִלְמָעְלָה : au-dessus
bulletמִלְּמָטָּה : au-dessous

Les deux mots résultent d'un mot commençant par לְ précédé du préfixe מִ qui généralement est suivi d'un dagesh fort.

Dans un cas, l'hébreu choisit de fermer le i court par une consonne et un sheva immobile (mil-ma'-la), dans l'autre cas par un daggesh, puis un sheva mobile. (mil-le-mat-ta).

Les règles des syllabes sont respectées, mais aucune règle ne permet de prévoir un dagesh. L'habitude et la connaissance du vocabulaire se substituent alors au dikdouk.

Autres exemples, articles définis devant un mot commençant par consonne+sheva mobile.

bullet

הַלְוִיִּם : Pas de dagesh, mais un sheva immobile.

bullet

הַתְּרוּמָה : Une dagesh et un sheva mobile.

Plus d'explications sur Préfixe II.

Exceptionnellement, un dagesh léger apparaît dans ces 2 mots : שְׁתַּים et שְׁתֶּי alors que le sheva qui précède est immobile.

Certaines grammaires disent que ce sheva est fort. D'autres disent léger. De toutes manières, les deux versions ne collent pas en termes de dikdouk.

Certains avancent des raisons étymologiques.
Les partisans du dagesh faible disent que שְׁתַּים  provient d'un ancien אֶשְׁתַּים.
 Les partisans du dagesh forts disent que שְׁתַּים  provient d'un ancien שִׁנְתַּים.

Je n'ai aucun élément pour étayer ces suppositions.

Autre apparition inexplicable du dagesh, le pluriel de בית qui est בָּתִּים accentué sur la deuxième syllabe.

Dagesh en fin de mot

Il est assez rare de trouver des dagesh en fin de mot. Certains ouvrages disent qu'on en trouve jamais. Ce n'est pas tout à fait vrai.

Concernant, le dagesh léger, on le trouve quand un mot se termine par 2 sheva (forcément immobiles). Exemple : נֵרְדְּ . En vertu de la règle qu'un בגדכפת après un sheva immobile prend un dagesh.

Concernant, le dagesh fort, il peut se produire dans certains mots se terminant par un qamatz sous la dernière lettre, et toujours en positions pausale (sous ta'am sof passouk ou atnahta). A vrai dire pour des raisons assez obscures pour moi. Exemples :

וִיחֻנֶּךָּ dans la bénédiction des prêtres.

אוֹדֶךָּ à la fin du psaume de Hannoukah.

Dagesh de remplacement

Le dagesh fort peut être mis pour indiquer la disparition d'une consonne.

Exemple 1 : quand un נ tombe dans une conjugaison. Racine נפל. Le נ tombe au futur : אֶפֹּל. Le dagesh fort dans le פ rappelle la disparition du נ au profit d'un redoublement. Cela se produit en français quand à la place in-réparrable, on redouble le r initial et on fait tomber le n : irréparable.

Exemple 2 : dans les verbes dont les deux dernières lettres de la racine sont identiques, les deux lettres deviennent une lettre redoublée. Verbe סָבֹב entourer. Tu entoureras au féminin : תָּסֹבּי avec accent sous le samekh.

Le paiement du dagesh

Une brève non accentuée implique dans la consonne qui suit un dagesh fort (ou un sheva immobile) en vertu de la règle d'agent. Quand la consonne qui suit ne peut prendre de dagesh fort (אהחרע) généralement on remplace la voyelle brève par une voyelle longue, permettant ainsi une syllabe ouverte. Ce phénomène s'appelle le "paiement du dagesh" תַּשְׁלוּם דָגֵשׁ.

Exemple : La forme פִּעֵל se caractérise généralement par une voyelle brève sous la première consonne suivie d'un dagesh fort. Quand la deuxième consonne ne peut porter de dagesh, on allonge la première voyelle. Ex : דִּבֵּר et פָּאֵר.

Autre exemple : l'article défini implique généralement un dagesh dans la première consonne du mot, car il porte une voyelle brève non accentuée. Exemple :הַשֵּׁם . Quand le mot commence par une gutturale ou un ר, généralement la voyelle de l'article change. Exemple : הָאֱמֹרִי

La règle du paiement du dagesh n'est pas systématique. Par exemple : הַהֵד ou הֶחָכָם. Cf Préfixe II.

C'est une des exceptions à la règle qui dit qu'une ouverte non accentuée est généralement brève. Dans ces quelques cas, on a une syllabe ouverte non accentuée brève.

Ce qui suit s'adresse au lecteur très expérimenté.

Le dagesh en début de mot

Les règles de base concernant la première lettre d'un mot sont très simples. Si un mot commence par בגדכפת, dagesh qal, sinon pas de dagesh du tout.

En fait, la présence éventuelle d'un dagesh peut être influencée par la prononciation du mot précédent. Ces règles sont complexes. J'ai fait le choix de les exprimer dans toute leur complexité (du moins celle que je connais). Pourquoi ? Parce qu'en fouillant sur Internet et dans les librairies spécialisées, on ne les trouve pas ou très difficilement. J'ai donc choisi de permettre à l'internaute qui veut aller jusqu'au bout d'y aller.

Devant la difficulté d'avoir des informations précises, j'ai basé ma présentation sur le livre "תיקון קוראים המדויק" du Ish Masliah. J'ai repris l'intégralité des règles exprimées dans cet ouvrage. Je les ai non seulement traduites, mais également reformulées pour un lecteur peu habitué. J'ai également complété les non-dits si fréquents dans ce type de littérature. J'ai également copié tous les exemples et contre-exemples.

 

Dans tout ce qui suit, si un mot est terminé par un kamatz, il faut imaginer qu'il est prolongé d'un ה.

Ex : ואהבתָ se lit ואהבתָה

La règle générale est la suivante :

Si un mot commençant par une בגדכפת est précédé d'un mot se terminant par l'une des consonnes pouvant être lues comme des voyelles אהוי,

alors

il n'y a pas de dagesh qal dans la lettre בגדכפת.

Exemple

וַיִּקְרָא פַרְעֹה

רְאֹתְךָ פָנַי équivalent de רְאֹתְכָה פָנַי

וּבְלֶכְתְּךָ בַדֶּרֶךְ (dans le shéma') équivalent de וּבְלֶכְתְּכָה בַדֶּרֶךְ

Le lecteur peu courageux peut s'arrêter là.

Il y a 5 exceptions à cette règle. La lettre initiale porte quand même un daggesh dans les cas suivants :

bulletMappiq : Si la lettre אהוי qui termine le premier mot est prononcée comme une consonne (mappiq) et non comme mère de lecture d'une voyelle
bulletMafsiq : Si le premier mot porte un ta'am de type "disjonctif".
bulletDahiq : c'est une règle impliquant un dagesh fort en début du deuxième mot
bulletAte merahiq : c'est une autre règle impliquant un dagesh fort en début du deuxième mot.
bulletPour certains couples de lettre en début de mot, la règle ne s'applique pas.

Avant d'aller plus loin sur ces cas particuliers, il convient de comprendre la source phonétique de cette règle. Au sein d'un mot, un בגדכפת a un dagesh si la syllabe qui précède est fermée, un rafe si la voyelle qui précède est ouverte.

En début de mot, c'est un peu la même idée : si le mot qui précède est lié de façon forte (hors du cas mafsiq), et qu'il se termine par une voyelle ouverte (hors du cas mappiq), alors la même règle s'applique : pas de dagesh.

Le verset Genèse 38, 29 illustre les 4 premières exceptions (bien que mappiq y figure de façon détournée).

Mappiq : La règle ne s'applique qu'a des mots qui se terminent par des syllabes ouvertes, c'est à dire אהוי prononcés en voyelles. Dans les cas qui suivent, on a une vraie consonne en fin de mot, et la règle s'applique pas.

וַיְצַו פַּרְעֹה

וַיַּרְא בָּלָק

Ce dernier cas est un peu particulier. On peut considérer que le א joue un rôle de consonne, parce qu'il ne figure que comme membre de la racine du verbe. En fait, on peut surtout considérer qu'il ne sert à rien et que l'on a phonétiquement ויר בּלק. Ce n'est pas tout à fait la règle mappiq stricto sensu qui s'applique là. En fait, le א  en fin de mot n'est jamais prononcé, et n'est pas concerné par la vraie règle du mappiq.

Le nom ineffable en 4 lettres est orthographié avec un ה non prononcé en fin de mot, mais se prononce comme un autre mot terminé par un י consonne. Il est donc considéré comme mappiq. On met un dagesh léger après.

Mafsiq :Si le premier mot est porteur d'un ta'am disjonctif, alors la règle ne s'applique pas. Le בגדכפת est comme en début de phrase.

Exemple :

Le premier mot porte un taam disjonctif. Kerouv n'est pas prononcé dans la foulée de va'asse. On met le dagesh.

(Cf les leçons sur les te'amim)

Le lecteur peu courageux peut s'arrêter là.

Dahiq

(En araméen דחיק signifie repoussé).

La règle dahiq s'applique à deux mots qui sont reliés par un maqaf.

Le premier mot se termine par un ה.

Le deuxième mot commence par lettre qui peut recevoir un dagesh (autre que אהחרע).

Si l'une des deux conditions suivantes est vraie :

bullet

L'un des 2 mots est court, et le premier se termine par qamatz, patah, ou segol.

bullet

Le second mot est mille'el et la fin du premier mot a un segol.

alors :

On met un dagesh fort dans le la première lettre du deuxième mot.

Exemples avec les mots courts :

מַה-פָּרַצְתָּ
נַכֶּה-בּוֹ
אֵלְכָה-נָּא

Exemples et contre-exemple avec mille'el:

Dans les 3 expressions, le 2ème mot est mille'el. On voit que le Dahiq s'applique uniquement quand le mot précédent se termine sur un segol.

Les 3 exemples fournis peuvent prêter à confusion.

Le lecteur qui s'est arrêté à la page Dagesh II pensera que les 2 premiers exemples sont des בגדכפת, mais pas le 3ème. Il en déduira que les initiales des 2 premiers portent un dagesh faible, alors que le צ ne peut en porter.

En fait il s'agit de dagesh fort, par une exception à l'exception de la règle du dagesh faible en début de mot.

Ate Merahiq.

(En araméen אתי מרחיק signifie il vient de loin)

Quand un ה figure en fin de mot mile'el porteur d'un ta'am conjonctif (mesharet) et que l'une des 2 conditions qui suivent se produisent :

bullet

la voyelle d'avant est un segol (que le ה fasse ou non partie de la racine)

bullet

la voyelle d'avant est un qamatz et le ה ne fait pas de la racine

Si en plus, le mot qui suit est mille'el (paroxyton) ou court, et ne commence pas par אהחרע

Alors :

On met un dagesh fort dans la première consonne du deuxième mot.

Exemples et contre-exemples :

Dans les 2 premiers exemples, le ה ne fait pas partie de la racine, mais est précédé d'un qamatz.

Dans le 3ème exemple, le ה fait partie de la racine, est précédé d'un segol, dans un mot mille'el.

Dans les 3 cas on a un dagesh fort.

Dans le 4ème cas, le ה est précédé d'un qamatz, mais fait partie de la racine. Ate merahiq ne s'applique pas. On ne met pas de dagesh fort dans le פ. Comme il est précédé d'un ה voyelle, et d'un ta'am conjonctif (non mafsiq), on n'y met pas non plus de dagesh léger.

Enfin, dans le 5ème cas, il y a un ta'am disjonctif (mafsiq), il ne saurait être question d'ate merahiq. Comme d'autre part on n'est pas dans un בגדכפת, il n'est pas question de mettre un dagesh faible non plus.

Remarque : dans la formulation du איש מצליח, il n'est pas exprimé clairement pour la deuxième condition (qamatz+ה membre de la racine), que le premier mot doit être mille'el.

Pourtant, l'exemple de Genèse I, 2 וְהָאָרֶץ, הָיְתָה תֹהוּ וָבֹהוּ, montre que cette condition est nécessaire. היתה est doté d'un ta'am conjonctif , il se termine par un qamatz, et le ה fait partie de la racine. Le mot suivant est mile'el. Donc, on pourrait en déduire que le ת en rouge devrait prendre un dagesh fort. Ce n'est pas le cas car le mot היתה est millera'.

De même, quand il dit que le deuxième mot est mille'el ou court, il parle des mots à une syllabe ou a deux syllabes portant l'accent sur la première syllabe. Que se passe-t-il pour  les mots de 3 syllabes ? En théorie ate merahiq s'applique en présence d'un meteg. En pratique la règle est difficile à dégager.

Voir le commentaire de la parasha de Terouma.

 

Couples de lettres

Quand le deuxième mot commence par certains couples de lettres, et que la première consonne est dotée d'un sheva, alors, on met un dagesh léger, même si le mot précédent est terminé par une syllabe ouverte et est doté d'un ta'am conjonctif..

Les couples sont constitués de 2 consonnes du même groupe (liste variable d'un livre à l'autre):

  1. ב et פ

  2. ג et כ

  3. ד et ת

Exemples (tous situés dans le premier groupe) :

Et malgré tout ça

Vous pensez tout savoir des règles d'apparition du dagesh. Pourtant, il y a toujours des choses inexplicables où la tradition prime sur le dikdouk.

Cf la page de complément.